mercredi 6 juillet 2011

Elle.

Ce soir, j'ai bercé ma fille en pleurant subtilement. J'ai pensé très fort à ma grand-mère. Cette femme merveilleuse à l'aube de ses 91 ans. Elle n'est pas une femme exceptionnelle, elle est une femme comme toute celle de son âge, une femme qui a roulé sa bosse dans un monde pas toujours facile.

Ma grand-mère s'est mariée à l'homme de sa vie. Elle parle encore de lui avec amour et tendresse malgré ses 30 ans de veuvage. Elle a porté en son sain sept enfants. Elle les a tous aimé, dorloté, habillé, soigné. Elle leur a tricoté des bas, des mitaines, des foulards. Lorsqu'ils étaient tristes, elle leur a fait de grandes caresses pour les encourager. Elle était une maman. Aujourd'hui, elle prit pour eux, veut leur bonheur et s'inquiète à la moindre de leur difficulté. Elle est une maman.

Ma grand-mère a habité une grande maison de campagne entouré de champs à perte de vue. Elle a cultivé un énorme jardin et des pommiers pour nourrir sa famille. Elle a pris soins des animaux de la ferme et encore plus particulièrement de la vache qu'elle avait choisi pour fournir le lait à ses enfants. Elle a travaillé à faire les foins, à supporter son mari et ses employés lors de la période des sucres. Elle l'a fait parce que sa vie était ainsi.

Elle a été très malade. Son mari et ses enfants ont eu peur de la perdre. Tous, ils ont pleuré. Tous, ils ont prié. Tous, on cru au miracle quand elle s'est réveillée. Cette femme a l'allure si fragile était bien plus forte qu'elle ne le laissait voir.

Elle a enterré son mari. La pleuré longtemps. Trop longtemps plusieurs ont dit. Comment faire autrement quand on a tellement aimé? Elle a vu naître ses petits-enfants. Quatorze en tout. Elle les a tous gardé, admiré, encouragé. Je me souviens des périodes où elle venait à la maison pour prendre la relève de ma mère alors malade. Elle nous a soigné, habillé, lavé, bercé, embrassé.

Elle a tremblé quand elle a enterré son petit-fils. 19 ans. Pourquoi? Elle en avait plus de 80.

Elle a déménagé. Elle a quitté sa grande maison pour un 3 pièces et demi. Vieillesse oblige, on doit quitter notre maison. Bien voyons, ce n'est plus sécuritaire quand on est âgée. Elle a encore vieilli, tombée, sa santé lui joue des tours. Elle a quitté son 3 pièces et demi pour une résidence de personnes âgées. Maintenant, il ne lui reste plus qu'une chambre et une salle de toilette. Deux fois, elle a dû se départir de ses biens. En morceaux, elle a remis des pans de sa vie.


J'ai d'abord reçu sa machine à coudre. Celle avec laquelle elle a cousu une multitude de robes pour ses cinq filles. Elle tenait à ce qu'elle soit à moi. Pourquoi? J'ai reçu un grand miroir que ses enfants lui avaient donné. On y voit sept étoiles, une pour chacun de ses enfants. Elle tenait à ce qu'il soit à moi. Pourquoi?

Aujourd'hui c'était la dernière étape de dépossession. Sa vaisselle. Elle tenait à y être, elle voulait savoir qui aurait quoi. Elle tenait à ce que je prenne des choses alors que moi, je pleurais. Je n'ai pas pris de belles choses. J'ai pris les choses qui me font pensé à elle. Les bols dans lesquelles elle servait sa soupe aux pois, quelques verres et assiettes. J'ai admiré des vieilles assiettes blanches toutes usés. Dire qu'elles ont servi si souvent à manger les meilleures patates pillés.

Ma soeur ne voulait rien prendre. Grand-maman s'est approchée d'elle et lui a remis l'un de ses tabliers. Elle tenait à ce qu'elle ait quelque chose.

Grand-maman, je n'oublierai jamais tes rôties au pain blanc garnies de ta confiture aux fraises maison. Elles étaient les meilleures du monde. Je n'oublierai jamais tout l'amour que tu as semé. Ce que tu as fait est grandiose.


Ce soir, en berçant ma fille, j'ai été gênée. Gêner de si peu de donner. Gêner pour toutes les visites que je ne te rend pas, pour tous les appels que je ne te fait pas. Dire que tu me téléphonais à tous les jours l'été où j'ai été malade, l'été où j'ai perdu mon bébé. Je l'ai sincèrement apprécié.

Ce soir, en berçant ma fille, je me suis sentie comblée. Comblée par tout l'amour que tu m'as donné. Comblée parce que tu fais partie de moi à jamais.

Je t'aime,
Geneviève